Au commencement de l'écriture
Depuis l'aube de l'humanité, les hommes ont cherché à communiquer autrement que par le langage ou le geste. Ils ont commencé par peindre sur pierre, écorce, cuir, puis sur papyrus et parchemin des faits ou des connaissances dont ils voulaient assurer la pérennité. Ils ont aussi tracé sur l'argile ou la cire , comme sur la pierre, l'ivoire, le bois, les signes dont ils pensaient qu'ils traduisaient leur langage.
Quelles que fussent leur destination réelle et leur signification, les peintures rupestres retrouvées dans les grottes montrent un désir évident de communication.
Il y a 3 600 ans environs avant J.-C., les Sumériens utilisaient déjà plusieurs centaines de signes en forme de clous, que l'on dit cunéiformes. Ils étaient gravés sur des plaques d'argile cuites, puis séchées au soleil. La grammaire de l’Égyptien ancien utilisait plus de 700 hiéroglyphes, et il y en a eu davantage à certaines époques. Les premières traces de ce qui allait devenir notre alphabet sont apparues en Phénicie vers 1 300 ans avant J.-C. Cet alphabet de 22 signes, tous des consonnes, va arriver en Grèce mille ans environ avant J.-C., et y subira des transformations, comme l'écriture de gauche à droite. Puis les Grecs introduisirent cette écriture en Italie, où les Romains lui donnèrent une nouvelle forme.
Si des matières diverses furent utilisées pour écrire au cours des âges, elles furent abandonnées pour le papyrus des Égyptiens, puis le parchemin, et enfin le papier, inventé par les Chinois.
Le papyrus
En Égypte, il y a 6000 ans, la tige du papyrus, sorte de roseau à tige triangulaire qui pousse abondamment dans le delta du Nil, était utilisée à toutes sortes d'usages quotidiens, comme des vêtements, des voiles et même des embarcations légères. La tige du papyrus était découpée en bandelettes, dans le sens de la longueur. Ces bandelettes étaient disposées les unes à coté des autres, et une deuxième couche posée perpendiculairement à la première. L'opération pouvait être renouvelée plusieurs fois. Les feuilles ainsi formées étaient mouillées, battues, puis séchées et ensuite lissées avec une pierre polie. Pour éviter de casser les fibres, on enroulait les papyrus sur une longueur de six à douze mètres, formant ainsi des rouleaux que les Romains appelaient « volumen ».
Le rouleau ainsi constitué était ensuite confié aux scribes, qui y consignaient leurs textes à l'aide d'un « calame », qui est une tige de roseau taillée en biseau, trempée dans une encre faite généralement d'eau gommée et de noir de fumée, ou d'autres colorants minéraux ou végétaux, dont l'usage remonte au troisième millénaire.
Après utilisation graphique, ces rouleaux étaient plongés dans l'huile de cèdre, ce qui leur assurait une conservation, surtout lorsqu'on les enfermait dans des jarres, où il arrive que nous les retrouvions aujourd'hui. Ce procédé était d'une grande efficacité. Lorsque on voulait les lire, on déroulait d'une main et on enroulait de l'autre.
Grâce à sa souplesse et à sa légèreté, le papyrus franchira les limites de son pays d'origine, l’Égypte, pour se répandre d'abord dans le Proche-Orient, puis dans le monde Grec, et enfin dans l'empire Romain, jusqu'au quatrième siècle de notre ère. Réservé à des usages particuliers, il réussit à survivre jusqu'au XIe siècle.
Le parchemin
Le papyrus étant très sensible à l'humidité, et la plante ne poussant pas d'une manière satisfaisante dans d'autres pays de la Méditerranée, sa production devait rester un monopole égyptien, jalousement surveillé par les pharaons. Ce qui va contribuer à augmenter son prix.
Ainsi le développement du livre était lié au développement de nouveaux supports.
Le parchemin va apparaître dès le troisième siècle avant J.-C. dans la ville de Pergame, en Asie Mineure, où il était fabriqué en grande quantité. Fart de préparer les peaux de bêtes pour en faire un support d'écriture va se perfectionner. Les peaux de nombreux animaux domestiques vont être utilisées : chèvres, moutons, veaux, gazelles, antilopes, et notamment le veau-mort né, dont on va faire le « velin », parchemin très fin et très blanc, qui sera vendu très cher pour des ouvrages de haute qualité.
Bien plus solide et plus souple que le papyrus, le parchemin va résister beaucoup mieux au transport, à l'usage, au feu et à l'humidité. On pouvait aussi l'utiliser sur les deux faces, ce qui n'était pas possible avec le papyrus, et ce qui augmentait considérablement la surface disponible. Les deux faces lisses permettaient d'utiliser des plumes d'oiseaux taillées, ce qui était plus commode que les pinceaux pour tracer des signes fins. On put ainsi tracer des caractères plus petits et plus fins, gagnant une place considérable sur la surface d'une page.
Pour fabriquer le parchemin, les peaux étaient lavées, séchées, étirées, étendues sur le sol, le poil en dessous, enduites de chaux vive du côté de la chair. Puis on pelait le côté poil, et on empilait les peaux dans un tonneau rempli de chaux. On les lavaient alors, et on les faisaient sécher en les étendant. Ensuite on les amincissait, on les polissait, et on les découpait à la dimension voulue. La fabrication d'un parchemin demandait environ un mois.
Ainsi apprêté, le parchemin prenait l'aspect d'une feuille lisse, souple et solide. D'un blanc jaunâtre, et légèrement translucide, il était ensuite commercialisé à l'unité, ou bien en paquets d'une douzaine et demie, ou en cahiers de six à huit feuilles.
Comme pour le papyrus, au début, les parchemins furent collés les uns aux autres pour former des rouleaux dits « volumen », mais très vite, comme on pouvait le plier, on préféra la présentation en feuilles, ce qui facilitait la lecture et le stockage grâce à la reliure, le « codex ».
Le codex était caractérisé par la réunion, entre deux planchettes de bois, de plusieurs cahiers de parchemins cousus les uns sur les autres dans les plis, sur des nerfs de bœuf qui faisaient saillie sur le dos du volume. Cette nouvelle forme du livre, appelée codex, permettait au lecteur de n'utiliser qu'une main pour tourner les pages, et de prendre par exemple des notes avec l'autre main, ce qui était plus pratique. Cette forme était aussi plus portative et plus maniable, facile à ranger dans les bibliothèques, qui vont ainsi se développer.
Mais une nouvelle matière pour conserver la mémoire des hommes apparut en Chine. Le papier, technique transmise ensuite aux Arabes au ville siècle, va faire disparaître progressivement le papyrus et le parchemin.
Une nouvelle époque pouvait commencer...
Gutenberg ou la belle histoire de l'imprimerie
De quand date le principe de l'imprimerie ?
Dès le VIe siècle de notre ère, Chinois, Coréens, Arméniens, Persans pratiquent divers procédés d'impression manuelle : la pierre, la planche, la plaque de métal, gravés en creux ou en relief, et qui, encrées, donnent des reproductions « au frotton ».
Mais, il faut bien le noter, tous ces travaux ne faisaient que manifester une tendance très générale, régie par l'instinct humain de laisser trace, de durer. La notion de transfert de la pensée n'y fut pas nécessairement incluse, notion maîtresse de l'imprimé, tel qu'il s'entend depuis Gutenberg. Et la Chine, berceau de l'imprimerie proprement dite, n'eut aucune influence sur l'invention d'Europe. Elle était, en ce temps là, plus loin de nous que la lune...
Quand, au IIe siècle de notre ère, les Chinois gravaient sur pierre des textes anciens, était-ce donc
pour les reproduire ? Ils n'y songeaient guère. Tout simplement, ils en maintenaient ainsi l'intégrité, menacée par les copistes. La Chine, écrivait Voltaire, possède depuis mille ans une gazette imprimée sur papier de soie. C'était le « King Pao », qui ne fut d'ailleurs qu'un accident.
Cependant, au seuil du XIe siècle, Piching invente les caractères mobiles en terre cuite. Sa trouvaille n'a pas de succès, et on continue d'imprimer au moyen de planches en bois gravé. Il faut attendre le XIVe siècle pour voir apparaître, toujours en Chine, les caractères en métal fondu.
Décidément, les Célestes ne sont pas pressés d'étonner le monde, d'ouvrir les vannes de la science (ou doit-on mettre en cause l'extrême variété de leurs caractères ?) : pendant cent vingt-cinq ans, la méthode tabellaire l'emporte toujours. Enfin des missionnaires décident l'empereur à faire graver 250 000 types mobiles en cuivre.
Si Gutenberg s'était rendu à Pékin pour y offrir son invention, il y serait arrivé un siècle et demi trop tard, sans même parler de la longueur du voyage ! Et l'homme de Mayence, ses devanciers d'Europe, ses émules, durent en réalité, réinventer la xylographie, puis la typographie...
Vous m'objecterez les sceaux romains, les estampilles des grands, des clercs, au Moyen-Age ? Je vous
réponds que l'invention de l'imprimerie consista moins à fabriquer des caractères qu'à trouver le moyen de les assembler, fixer, encrer, et de déposer leur empreinte sur le papier (autre invention chinoise).
La fin du XIVe siècle, on imprimait en Europe, par la xylographie, images de dévotion, cartes à jouer, puis des Bibles, des textes classiques, des grammaires. Les images des brochures de piété comportaient souvent de brèves légendes. L'idée vint de tailler dans le bois des lettres isolées, pour composer à volonté les textes soulignant ces figures.
Alors, apparaît un nommé Johannes Gensfleisch, orfèvre, dit Gutenberg, Mayençais né entre 1393 et 1397. Fixé à Strasbourg, il s'associe avec trois compères, en vue d'exploiter un secret.
De nombreux chercheurs se mettent à besogner dans le silence et le mystère. Ne sont-ils pas tous un peu sorciers ? Une fois l'invention mise au jour, vingt cités s'en disputent l'honneur : Haarlem, Mayence, Strasbourg, Nuremberg, Avignon. Mais le nom de Gutenberg a émergé, d'un groupe de précurseurs qui vont du Belge Jean Britto à l'Italien Castaldi.
C'est en 1445, présume-t-on, que, rentré à Mayence, Gutenberg commença d'imprimer sur caractères mobiles. La « Bible à 42 lignes » qui, cette année là, sortit de ses presses, serait bien le premier ouvrage typographié d'Europe. Cet art nouveau sera baptisé typographie », du grec tupas : type, caractère et graphein : écrire. Il permettra la réalisation des « incunables », qui sont les ouvrages sortis de l'atelier d'un imprimeur avant Pâques 1501 et vont donner naissance à la civilisation du livre.
Entre temps, Gutenberg s'est adjoint le banquier Jean Füst. Au sortir d'un procès que lui intente l'homme aux écus, l'inventeur est à peu près ruiné. Et tandis que Füst, secondé par Schoeffer, démarque la Bible du Mayençais, tentant ainsi de s'adjuger le mérite et les bénéfices de l'invention, le créateur vieilli s'éloigne, fonde un autre atelier en Allemagne, et travaillant toujours, s'efface et meurt.
Aujourd'hui, après cent palabres, les érudits sont tombés d'accord pour affirmer : Gutenberg est bien l'inventeur de la typographie. Même si Coster a utilisé avant lui des caractères moulés, même si Waldfogel a fabriqué des types en métal, il a seul poursuivi son labeur avec assez de ténacité pour arriver à un résultat pratique. Le grand sorcier de Mayence a ordonné les éléments de l'imprimerie naissante, et, de celle-ci, il a fait un art.
Si la mise au point de son système de frappe des poinçons et de moulage des caractères avec un alliage de plomb et d'étain lui causa sans doute le plus de difficultés, il n'aurait sans doute pas obtenu le résultat souhaité s'il n'avait pas mis au point simultanément une machine, la « presse », destinée à remplacer l'antique presse à vin que les moines xylographes utilisaient pour imprimer leurs antiques planches gravées. Il va également mettre au point une encre grasse, moins fluide que celle utilisée par les Chinois, et capable d'enduire les caractères métalliques, mais aussi de se transférer convenablement sur le papier.
Gutenberg va inventer un véritable système de production industrielle, qui va faire du livre le premier bien de consommation populaire, fabriqué en quelque sorte, en série. Leur prix de vente va considérablement baisser par rapport aux livres fabriqués par les moines copistes, qui étaient, eux, réservés à une élite fortunée et instruite, ce qui n'était pas le cas pour l'immensité des gens du peuple.
Cette invention causa, évidemment, une très grande surprise et une extraordinaire curiosité, principalement dans les milieux cultivés, provoquant l'admiration de certains, la crainte et la réprobation de beaucoup d'autres, qui voyaient même dans cette in-novation une intervention diabolique. Mais cette invention allait apporter un profond changement dans la vie des hommes, et susciter, par la suite, des activités nouvelles dont la reliure, la littérature, la presse, les éditions, les bibliothèques, et d'autres encore
L'atelier Typographique et le matériel d'imprimerie
A la presse en bois et à bras du temps de Gutenberg, et inspirée du pressoir à raisin, le premier perfectionnement fut, vers 1550, la substitution de la vis en cuivre à la vis en bois. Dans cette machine, la pression s'opère par un levier agissant sur la vis. La forme placée sur un marbre, reçoit la pression d'un plateau.
On va y ajouter par la suite un tympan, qui est un cadre monté sur une charnière et qui est garni d'un morceau d'étoffe tendu, ainsi que la frisquette, qui va permettre le maintien de la feuille, la protection des marges, et « la mise en train ». Une autre amélioration fut le relevage automatique de la platine, à l'aide d'un contrepoids.
Puis Didot réforme l'imprimerie, invente la presse à un coup. Marbre et platine sont désormais en fonte. Avec Stanhope, Clymer, la presse est maintenant toute en métal. Avec Nicholson, on n'encre plus les caractères au moyen de balles, mais à l'aide d'un rouleau, d'abord de cuir, fait ensuite d'une matière élastique.
1814 : deux noms importants, Koenig et Bauer, qui lancent la première presse mécanique. Elle tend à exécuter, automatiquement, toutes les fonctions de la vieille presse à bras. Un seul mouvement assure l'encrage de la forme, la marge et la sortie des feuilles.
Le 29 novembre 1814 fut un grand jour à Londres. Quand, à six heures du matin, le propriétaire du quotidien Le Times annonça à ses ouvriers que l'édition du jour était tirée, il eut fort à faire pour les calmer. La nouvelle machine, mue par la vapeur, comportait deux cylindres imprimeurs et deux margeurs.
Durant les troubles de 1830, en France, Ici' pressiers mirent hors d'usage ces premières machinas qui menaçaient de les priver de leur gagne-pain.
Mais le progrès est en route, et les machinai' à imprimer vont sans cesse se perfectionner au fil 'In années. Successivement vont apparaître :
La presse à retiration, qui imprime à la fois le recto et le verso de la feuille. Elle est composée d'un marbre portant deux formes et deux cylindres. Les cylindres se soulèvent et s'abaissent alternativement. La feuille imprimée au recto sur le premier cylindre est saisie par les pinces du second, où elle s'imprime alors au verso.
La presse en blanc à arrêt de cylindre. Ici, la forme placée sur le marbre, est entraînée par un mouvement de va et vient. L'impression se fait au passage de la forme sous le cylindre. La feuille est margée quand le cylindre est à l'arrêt. Cette presse n'imprime donc que d'un seul côté.
Dans la presse à réaction, le cylindre est engrené directement avec le marbre. Il imprime un côté du papier en tournant dans un sens, puis de l'autre côté pendant le retour du marbre, durant la réaction.
On eut ensuite la machine imprimant ensemble plusieurs couleurs. Enfin, la rotative, dont le principe mit vingt ans à être appliqué (1867). Chaque forme y est constituée par des clichés cintrés, épousant la courbure du cylindre porte-clichés. La pression y est assurée par un cylindre tournant d'un mouvement continu en sens contraire et à la même vitesse.
Depuis lors, les perfectionnements furent innombrables : adjonction des bobines de papier sans fin, plieuses mécaniques, tirage en quatre couleurs, etc...
Les différents procédés d'imprimerie
La typographie imprime à partir d'éléments en relief, enduits d'une mince couche d'encre d'épaisseur uniforme. Les valeurs sont exprimées par la surface relative des éléments imprimants. La typographie a gardé pendant des siècles sa suprématie pour tous les travaux où le texte domine. Quand aux modes de reproduction d'illustrations qui s'obtiennent sur les presses typographiques, citons, principalement : la gravure sur bois, la similigravure, la trichromie, la galvanoplastie.
L'héliogravure imprime à partir d'éléments en creux, de profondeurs différentes, remplis d'encre. Les valeurs sont ici fonction de l'épaisseur relative de l'encre dans chacun des creux. Dans la classe des procédés en creux, il faut noter aussi : la pointe sèche, le burin procédés appelé la taille douce, avec une variante, la gravure à l'eau forte (acide nitrique). L'héliogravure est une application photomécanique et industrialisée du procédé.
Le troisième procédé est la lithographie, qui, avec sa variante industrielle actuelle l'offset, fait appel à l'antagonisme de l'eau et des corps gras, phénomène physique naturel. Éléments imprimants et non imprimants sont ici dans le même plan, délimités par un simple phénomène d'ordre physico-chimique. Les régions imprimantes sont garnies d'encre grasse, les régions non imprimantes toujours imprégnées d'humidité. Les valeur sont exprimées comme en typographie. L'offset devenu le principal mode d'impression moderne, utilise une plaque de zinc ou d'aluminium présensibilisée d'une couche chimique sensible à l'action des rayons ultra-violets ou du laser. Elle remplace l'an¬tique pierre calcaire. La plaque est enroulée autour d'un cylindre, et celui-ci est à la fois mouillé et encré. L'image se décalque sur un autre cylindre habillé d'une toile de caoutchouc, le blanchet, et va être reportée sur la feuille de papier sur un cylindre de contre-pression. Les machines offset modernes impriment soit sur des feuilles de papier, soit à partir d'une bobine de papier. C'est alors une rotative. Selon le type de machine, elles peuvent imprimer simultanément plusieurs couleurs, au recto et au verso. Et elles fonctionnent à une allure impressionnante, que n'auraient pas imaginé les anciens imprimeurs typographes.
Qu'en est-il de la typographie ?
La typographie a été le procédé où le savoir-faire de l'homme avait le pas sur la perfection mécanique. Nos machines actuelles, de plus en plus perfectionnées n'annulent cependant jamais l'élément humain. L'expérience, le goût du metteur en page infographe ou du conducteur de machines à imprimer de plus en plus complexes, restent bien nécessaires.
C'est ce qui maintient d'ailleurs la noblesse du métier de l'imprimeur.
Si le bras de l'homme travaille moins, son intelligence est sollicitée par l'utilisation, le fonctionnement et les réglages de machines toujours plus délicates.
Il est certain que nous avons assisté, dans les vingt dernières années, à l'élimination progressive du procédé typographique. Après l'invention de la linotype en 1884 par Ottmar Mergenthaler, en Amérique, machine qui fondait des lignes-blocs en métal, ce qui va être un grand progrès, surtout pour la composition des journaux, puis de la monotype en 1887 par Tolbert Lanston, machine qui fondait des caractères isolés, ce fut l'avènement de la photocomposition.
Après différentes tentatives d'adapter la photographie à la composition mécanique, deux ingénieurs de la région lyonnaise, MM. Moyroud et Higonnet, entre 1945 et 1946, vont commencer à construire une machine nouvelle, la lumitype, qui nécessitera des années de recherches. Le résultat, la photocomposition, va évoluer ensuite grâce au développement de l'informatique éditoriale, avec des ordinateurs de plus en plus performants, transformant ainsi les métiers de l'imprimerie et surtout le procédé typographique, qui a pratiquement disparu aujourd’hui.
Les systèmes informatiques multimédia, l'infographie, le laser et l'impression numérique pilotée par l'ordinateur sont le nouveau visage de l'imprimerie d'aujourd'hui.
Le caractère
Au commencement de la typographie était le caractère, la géniale invention de Gutenberg. On appelle œil du caractère la hauteur de la lettre, telle qu'elle apparaît sur le papier. Quant à son corps, c'est la hauteur de surface du petit bloc métallique. La fonte des caractères est basée sur un système évalué en points, système créé en 1737 par Simon Fournier, modifié en 1755 par François Didot, en prenant pour base la mesure légale de l'époque. Le point Didot vaut environ 0,376 m/m. Le point n'a aucune concordance avec le système métrique mis en vigueur en 1799. Un cicéro comporte douze points. On dit ainsi qu'un caractère est du corps 6, 8 etc...
Les dessins de caractères sont très variables selon les modes et les époques, et portent quelquefois le nom de leurs créateurs. Fart du typographe est réel. Il doit assembler des éléments très divers pour que le résultat final soit agréable à regarder, et cela avec des règles rigoureuses. Et le goût du typographe doit intervenir : rapport du corps et de l’œil avec l'ensemble des pages, rapport du texte et des marges, jeux des interlignes, des espaces...
Le véritable imprimeur est un artiste : affaire de goût, d'expérience, de coup d’œil. On peut définir la typographie comme étant la conformité délicate du style et de l'ouvrage : l'introduction à la pensée de l'auteur. D'ailleurs, encore actuellement une édition d'art se compose à la main, pour en augmenter la valeur.
Les Compagnons et l'imprimerie
Le compagnonnage a toujours intrigué. Rite vaguement religieux, initiation mystérieuse, code jalousement tenu secret, signes de reconnaissance. Les associations repliées sur elles-même excitent l'imagination. Mais, au-delà de ce folklore frissonnant, le compagnonnage fut une importante réalité historique et sociologique. Ce fut le premier regroupe¬ment de travailleurs pour échanger et créer, pour se défendre. Les Compagnons étaient les dispensateurs du savoir et les dépositaires des traditions. Mais la révolution industrielle, avec le développement de la mécanisation, réduisit la puissance du compagnonnage.
Si certaines organisations existent encore à l'heure actuelle, par contre les Compagnons imprimeurs ont disparu depuis près d'un siècle.
Comme tous les métiers, l'imprimerie a eu, dès ses débuts, son organisation corporative, différente, cependant de ses consœurs. Ni paternalisme, ni pratiques corporatistes, pratiquement pas de références religieuses, à part le saint patron, Saint Jean de Latran. La raison en est sans doute de l'invention relativement tardive de l'imprimerie, 1450. Les XVe et XVIe siècles vont être riches en luttes, l'opposition patrons-ouvriers s'avérant dès le début vivace. Il y eut une rapide scission en deux organisations distinctes, une pour les maîtres-imprimeurs, et l'autre pour les ouvriers. Le résultat fut que l'organisation ouvrière devint plus syndicale que compagnonnique.
Comment devient-on compagnon au début du XVIe siècle ? La durée de l'apprentissage, généralement de trois ans, variait souvent selon les régions et les époques. Après ce délai, l'apprenti est présenté devant les chefs, les marguilliers, par deux parrains. Une fois agréé, il est soumis au rituel compagnonnique habituel : interrogatoire, serment, don de l'eau, don du sel, etc. Il paie un droit de 30 sous le jour même et de 9 F à ses premiers salaires. L'embauche dans les grands centres (Paris, Lyon), est strictement contrôlée. Le compagnon doit avoir l'aval des marguilliers pour se faire embaucher. Ceux-ci sont au nombre de deux par ville, et ils tiennent à jour les registres et les archives de la société.
Il y avait beaucoup d'actions contre les patrons. La plus fréquente est la mise bas, qui consiste en l'arrêt du travail dans un seul atelier, sur une revendication particulière. Il y a aussi le tric, qui est le mot d'ordre de grève générale, comme à Lyon en avril 1539. L'édit Gaillon du 4 septembre 1571 tentera de normaliser les rapports entre les patrons et les ouvriers. Mais il faudra attendre un règlement promulgué le 10 septembre 1572 pour voir un accord se réaliser, au profit des ouvriers.
Les patrons auront leur revanche lors de la promulgation des Lettres Patentes du 13 juillet 1618, assurant la cassure définitive entre les organisations patronales et ouvrières.
Les affrontements iront en s'amplifiant, tantôt au bénéfice des maîtres imprimeurs, (décembre 1649), tantôt au bénéfice des compagnons, (juillet 1655). Jusqu'à la Révolution française, les compagnons imprimeurs jouèrent un rôle d'avant-garde et de modèle : leur organisation était un syndicat avant l'heure.
L'évolution du métier sonnera le glas des compagnons de l'imprimerie. Le compagnon revendique en effet la maîtrise complète de son travail, de la création à l'exécution. Très vite, l'atelier d'imprimerie connut la division des tâches, un claviste lino ou mono, un graveur, ne connaissaient pas vraiment le travail d'un typo, et vice-versa. De plus, le perfectionnement des machines, leur complexité grandissante empêchèrent la polyvalence, et tuèrent à coup sûr l'esprit compagnon.
La reliure
Le problème qui s'est toujours posé à l'homme a été de pouvoir conserver les écrits, découvertes, connaissances, savoir, idées, pour les transmettre aux générations futures.
Aussi a-t-il fallu qu'il trouve le moyen le plus efficace possible pour préserver les livres contenant le résultat de ses travaux dans tous les domaines où son intelligence s'est exercée.
Les efforts, les recherches, les tâtonnements de nos ancêtres de l'antiquité ont conduit le livre là où il en est maintenant.
Les savants Botta, Layard et Rassam ont fouillé les ruines de l'ancienne Ninive, capitale de l'antique Assyrie. Rassam y mit à jour la fameuse "bibliothèque", qui contenait environ 30 000 tablettes d'argile, en écriture cunéiforme, traitant de tous les sujets. Ces tablettes d'argile étaient enfermées dans des enveloppes d'argile. On peut dire que ces enveloppes constituaient la première étape vers la reliure.
En Égypte, on a vu que les papyrus étaient conservés sous forme de rouleaux, protégés souvent dans des jarres en terre cuite contenant de l'huile de cèdre.
Les vraies reliures, dignes de ce nom, apparaissent au moment où les livres abandonnent leur forme de rouleaux pour prendre celle de codex, composé de cahiers rassemblant des feuillets en parchemin.
Cette transformation a eu lieu vers le ler siècle
Au Moyen-Age, grâce au travail des moines copistes, la plupart des écrits de l'antiquité conservés à cette époque furent sauvés. Les reliures qui les protégeaient étaient parfois précieuses : l'ivoire, l'or, les pierres fines étaient inclus dans les plats du livre.
Du Ve au XIIe siècle, la production des livres fut assurée pas les monastères. Mais, à compter du mie siècle, avec le développement des villes, des bourgeois, des marchands et de l'Université, les relieurs s'installent près des Universités. Les reliures se diversifient et le cuir commence à décorer les plats. Souvent les livres sont protégés de l'usure par des clous inclus dans les plats, des ferrures placées dans les coins, mais aussi ils étaient souvent enchaînés aux pupitres pour éviter les vols. A cette époque apparaît le cousoir, les plats ne sont plus en bois, mais faits de parchemins récupérés et contre-collés.
Avec l'arrivée du papier et la découverte de l'imprimerie, la reliure va se perfectionner ; on utilise le veau brun, comme la peau de truie blanche. Les plats seront décorés avec goût, et à cette époque va apparaître la dorure au fer qui va enrichir les reliures.
Les XVIIe et XVIIIe siècles verront un retour à des décorations plus sobres. L'utilisation du maroquain rouge se généralise pour les reliures luxueuses. Elles portent souvent la marque du propriétaire, blasons, armoiries, écussons.
La Révolution a failli faire disparaître la reliure dans sa tourmente. Les reliures de luxe disparaissent, et celles qui sont réalisées à cette époque le sont très mal¬adroitement, sans soin et sans goût.
Au XIXe siècle, après un renouveau pendant l'Empire et la période Romantique, va apparaître la reliure industrielle.
On verra se développer côte à côte la reliure industrielle, et la reliure d'art. Les machines remplacent l'homme pour toutes les étapes de la fabrication du livre, y compris la reliure ; se répandent les reliures industrielles en toile ou en cartonnage. Les machines sont capables de décorer la couverture de dorure à l'or fin ou au bronze, de marquages en couleurs. En ce sens, la reliure industrielle tend à conserver les lettres de noblesse de la reliure d'art. Tradition qui, grâce aux artisans relieurs existe encore de nos jours.
Rien n'est plus précieux qu'une belle reliure.
L'arrivée des nouvelles techniques de l'information fera-t-elle disparaître le Livre ?
Pourra-t-on enlever à l'Homme le plaisir immense et même parfois sensuel de prendre un livre, de le
toucher, et de l'emporter pour, une fois seul avec lui, lui arracher le secret qu'il enferme ?
Guillaume FICHET et l'introduction de l'Imprimerie en France
Guillaume Fichet, illustre humaniste savoyard, naquit au Petit-Bornand en 1433, alors que régnait en Savoie depuis quarante deux ans le célèbre duc-pape Amédée VIII. Le Petit-Bornand est un village du Faucigny, à quelques lieues de Bonneville et de la Roche-sur-Foron. Le père de Guillaume, Amédée, était un propriétaire terrien aisé. Son frère, Mamert Fichet fut vicaire général du diocèse de Genève en 1471.
Il commence ses études à la Roche-sur-Foron, et à Chambéry. Il continua ses études grâce à une bourse, au Collège Saint-Nicolas d'Annecy, à Avignon, fondé en 1424 par le cardinal Jean de Brogny, autre gloire locale. Vingt-quatre Savoyards le fréquentent. Sa formation est celle des élites de l'époque : la totalité des cours sont en latin. On sait qu'il vint à l'université de Paris, et qu'il fut bachelier ès-arts en mars 1452, et licencié le 7 avril 1453.
Il va enseigner à cette époque dans les collèges de la Montagne Sainte-Geneviève, le matin, la philosophie, l'après-midi, la rhétorique. Il retourne en Avignon en 1455, où il fut vraisemblablement hébergé au collège, et il va y découvrir les œuvres de Pétrarque.
En juin 1462, il est admis à la Sorbonne où il est logé, et poursuit ses études de théologie en qualité de "socius”, ce qui était réservé aux élites. Pendant huit années, il va enseigner la philosophie et la Bible. Il va ainsi être instruit de la philosophie d'Aristote et la théologie de Saint-Thomas-d'Acquin, qui fait la synthèse entre la doctrine chrétienne et l'aristotélisme.
Guillaume Fichet fut élu plusieurs fois aux postes les plus élevés de l'Université. Il fut d'abord appelé à occuper le poste de sous-recteur, ce qui lui vaut le titre de prieur, poste qu'il occupa en 1465 et 1466.
Le 23 juin 1467, il est élu à l'unanimité recteur de l'Université de Paris. A ce titre, il demanda au roi Louis XI de ne pas envoyer les étudiants de la Sorbonne sur les champs de bataille franco-bourguignons. Séduit, Louis XI l'écoute et le nomme ambassadeur. Il est reçu en 1468 docteur en théologie, le plus haut grade universitaire. Entre 1469 et 1471, il est bibliothécaire de l'Université.
Guillaume Fichet premier humanisme dans Malheureusement, il n'y complète de sa vie et son est une grande figure du les pays de langue française. a à ce jour aucune édition œuvre.
Il était fier de ses origines et tenait à son identité savoyarde, et il exprima maintes fois sa reconnaissance au cardinal Bessarion pour avoir promu au premier rang le tout petit paysan savoyard.
Mais le titre de gloire de Guillaume Fichet est d'avoir introduit l'imprimerie en France : il installe le premier atelier typographique à la Sorbonne. Un nommé Füst, banquier à Mayence, qui avait été associé à Gutenberg en 1457 pour imprimer la Bible dite de Mayence, décida d'introduire en France en 1469 des exemplaires de ce premier livre imprimé. Mais, à Paris, des édiles estimèrent qu'un travail aussi parfait ne pouvait être qu'une œuvre diabolique. Et Füst fut traduit devant le Parlement et condamné à être brûlé vif. Grâce à l'intervention de Guillaume Fichet, Louis XI cassa le jugement et ne s'en tint pas à cette seule décision, déclarant solennellement sa formelle intention de voir ouvrir une imprimerie à Paris, et encourageant Guillaume Fichet à s'y employer. Il devint ainsi l'ami de Füst, et, avec son autre ami le Rhénan Jean Heynlin, dit Jean de la Pierre, il fit venir trois ouvriers typographes d'Allemagne : Ulrich Gering, Martin Krantz et Michel Friburger, et installa les premières presses à imprimer peut-être à la Sorbonne. A Guillaume Fichet incomba la direction de l'opération et à Heynlin la surveillance du travail. Cela se passait en 1470.
La même année, Louis XI, qui voulait réunir un concile, le chargea d'une mission diplomatique à Milan
auprès du duc Galeazzo Maria Sforza. Ce fut à cette époque qu'il commença une correspondance régulière avec la cardinal Bessarion, qui voulait organiser une croisade contre les Turcs, car la chute de Constantinople (1453) était encore vivace dans la mémoire chrétienne. Bessarion avait écrit des discours pour la circonstance, que Fichet fut chargé de les distribuer aux princes d'Europe : Louis XI, bien sûr, mais aussi Amédée IX de Savoie, Frédéric III empereur du Saint-Empire, Édouard IV d'Angleterre. Guillaume Fichet fut ainsi un diplomate avisé et écouté des grands
de ce monde.
Fichet et Heynlin réalisèrent en 1471, le premier livre jamais imprimé en France, le recueil de lettres d'un certain Gasparino, de Bergame, en Italie, un Salluste, les discours du Cardinal Bessarion aux princes européens qu'il fallait convaincre de se croiser. Puis le livre de rhétorique, écrit par Guillaume Fichet lui-même, la Réthorica, précieux incunable dont il envoie un exemplaire à Yolande de Savoie.
Ce livre est le résultat de son enseignement
Jamais le proverbe : la critique est aisée, mais l'art est difficile, ne fut si réel. Fichet et Heynlin subirent des tracasseries et moqueries de la part de leurs collègues et ils quittèrent la Sorbonne. Par contre, les trois ouvriers, Gering, Krantz et Friburger ouvrirent une imprimerie rue Saint-Jacques, en plein cœur de Paris. Heynlin regagna Mayence et Guillaume Fichet fut appelé à Rome en 1472 sur la recommandation du cardinal Bessarion, par le pape Sixte IV qui venait d'être élu sur le trône pontifical. Le cardinal Bessarion, à qui il doit la deuxième partie de sa carrière, va mourir à Ravenne le 18 novembre 1472.
Ancien professeur d'université en Italie, à Padoue, Bologne et Florence, ce pape, qui était un fin lettré, développera la bibliothèque vaticane. Il sera un efficace promoteur des arts, attirant peintres et sculpteurs à qui il fera achever le chapelle Sixtine. Il ne pouvait que devenir l'ami de l'ancien recteur de la Sorbonne. Il en fit son camérier personnel, pénitencier, et se l'attacha comme conseiller, une marque particulière d'estime et de confiance.
Comblé des faveurs papales, Guillaume va mourir, semble-il, à Rome en 1480, âgé seulement de 48 ans. On ne connaît hélas pas les circonstances exactes de sa mort.
Sixte IV et Louis XI ne trépassèrent pas longtemps après : le pape en 1484, et le roi de France en 1483. Le pape avait trouvé, en Guillaume Fichet, un ami qui lui prêta main-forte contre les exigences et les agissement des Médicis, et particulièrement de Laurent-le-Magnifique. Guillaume Fichet s'était engagé dans les voies nouvelles ouvertes par l'humanisme contre les excès de la logique, mais il n'a pas renié la tradition thomiste. Il a posé de nouveaux rapports entre la théologie, la philosophie et la science du bien-dire.
Avec le Cardinal Bessarion, il va découvrir la philosophie platonicienne, qui s'oppose à celle d'Aristote et de Saint-Thomas-d'Acquin, et il va faire preuve de suffisamment d'ouverture d'esprit pour ne pas rejeter Platon.
Le savoyard Guillaume Fichet, un savant, un novateur, un pionnier et un honnête homme, est l'un de ceux qui ont fait le plus honneur à sa patrie. Il a été un penseur et un écrivain humaniste, par son rayonnement intellectuel et ses relations avec le cardinal Jean Rollin d'Autun. Il fut l'un des grands humanistes savoyards, comme Marc-Claude de Buttet ou Claude de Seyssel.
D'ailleurs, Robert Gaguin, qui va succéder à Fichet dans sa chaire de la Sorbonne, aura raison d'écrire, dans une pièce de vers, à la suite de la Rhetorica de Fichet :
« Heureuse la Savoie d'avoir nourri un tel enfant,
Qui sera pour les peuples de langue française un honneur à jamais »
Les origines de l'imprimerie en Savoie
On peut raisonnablement penser, bien qu'aucune preuve historique ne nous soit parvenue à ce jour, que c'est Guillaume Fichet qui, lors d'un de ses voyages en Savoie, aurait rapporté auprès du duc Philibert 1¬(1472-1482) la nouvelle et merveilleuse invention de Gutenberg, dont il avait été l'artisan de l'introduction à Paris en 1470.
D'autres sources mentionnent une influence niçoise, vaudoise ou piémontaise, car l'invention de Gutenberg s'est très rapidement et solidement installée en Italie. On peut penser aussi à l'influence lyonnaise proche où l'imprimerie s'installa en 1473.
En Savoie, l'imprimerie va prendre son essor en 1483, sous la protection du duc Charles 1er (1482-
1489), et le premier imprimeur qui va s'installer à Chambéry sera Antoine Neyret.
Il va imprimer son premier ouvrage en français avec gravures à 150 exemplaires, puis les Évangiles, le Roman de Beaudoin Comte de Flandres, le Doctrinal de Sapience, de Gui de Roye, imprimé le 5 mai 1484, le livre de Mandevie, en 1485, du moine cistercien Jehan Dupin, de l'abbaye de Vaucelles près de Cambrai, et le livre de chasse « le livre du Roy Modus et de la Royne Ratio, devisant de toutes manières de chasses », édité en octobre 1486.
Va suivre « Le réduit des chiens et des oiseaux », ouvrage en vers du Comte de Tarcainville.
Le maître imprimeur Antoine Neyret signait ainsi ses ouvrages : « Imprimé par bonne voye, dedans Chambéry en Savoie, par un dit Antoine Neyret, ce mois de mai tant verderet, fan courant mil et quatre cents quatre vingt et y de bien sens dont loué soit le tout puissant et sa douce mère. Amen. »
Antoine Neyret a été le premier de la longue liste des imprimeurs et typographes qui se sont succédés à Chambéry et en Savoie depuis 1483. Par la suite, au XVIe siècle, les frères Pommard seront d'illustres imprimeurs à Chambéry, notamment avec un premier livre sur la Savoie de Jacques Peletier du Mans. Il semble que ce livre ait été imprimé pour la première fois à Annecy par Jean Bertrand. Ensuite au XVIIe siècle, Geoffroy Dufourt et Etienne Riondet participent à la naissance du « beau livre », c'est-à-dire les livres faits avec des beaux caractères, des planches lithographiques, des dessins et une typographie soignés. Annecy entre dans le jeu plus tard, en 1534. Au )(vile siècle, seront publiés deux livres importants, l'un sur la vie de Sainte Jeanne-de-Chantal, l'autre sur les fêtes de la béatification de Saint-François-de-Sales, qui d'ailleurs créa l'Académie Florimontane à Annecy, en 1606, avec le Président du Sénat Souverain de Savoie, Antoine Favre.
Saint-François-de-Sales a également créé des écoles populaires. L'enseignement des matières de base, la lecture, l'écriture et le calcul, vont plus largement être enseignés aux enfants. Ce sera le ferment qui fera prendre conscience aux gens du peuple, au fil des dizaines d'années qui vont suivrent, de leur importance dans la société. Du peuple sortiront plus nombreux des hommes qui pourront suivre des études supérieures. Par la suite, avec la République, Jules Ferry va mettre en place l'éducation populaire pour tous, garçons et filles, laïque, gratuite et obligatoire.
Les maîtres papetiers et les maîtres imprimeurs, vont donner aux enseignants, qu'ils soient laïcs ou religieux, les outils qu'il leur fallait : les livres, les cahiers, les copies, par centaines de milliers, pour que des mil¬lions d'enfants puissent apprendre.